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Diérèse
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Couverture |
Les mots du monde
Il est de coutume de mettre en parallèle dans le registre
de la poésie les partisans du vécu («
du quotidien ») et les formalistes ; le fond et la manière
; plus encore l'écrit en soi et ses composantes, le
langage dans tous ses états. Trafic des locutions,
inversion des genres, couplage et découplage des vocables,...
: il n'y a pas qu'un jeu (car il peut emprunter parfois
des tours des plus savants), qu'une revendication (en premier
lieu, celle d'être authentiquement soi, sans tous les
apprêts sociaux), il n'y a pas qu'une construction de
l'esprit derrière le discours poétique, le plus
éclaté soit-il. A chaque poème sa palette,
le répéterons-nous jamais assez, pour passer
la frontière entre le sujet qui nomme et l'objet nommé
: le poète en décidera, le plus souverainement.
Ce qu'il faut souligner aussi, c'est que chaque moment de
création est premier, et à ce titre oublieux
de ce qui fut. Oublier les procédés donc, comme
la pure esthétique du verbe. A ceux qui reprochent
à la poésie de s'égarer dans la forme
(qui ne recouvre pas que l'écrit, puisqu'il existe
aussi bien une poésie qui demande à être
vue ou entendue en priorité), on pourrait aisément
répondre qu'ils n'ont qu'une approche simplifiée
du formalisme... Autant de formalisme oui, dans les poèmes
créés pour l'oreille que pour ceux dont les
contraintes imposées apparaissent comme condition de
leur mise au monde.
A trop creuser la langue, n'y aurait-il un risque toutefois,
celui d'évacuer l'objet, et la fonction du signe ?
La virtualité postmoderne (plus rien devant, pour résumer)
a fini par chasser la position du corps par rapport au monde,
ouvrant sur la crémaillère du progrès
qui pourrait logiquement nous faire croire qu'il existe autant
une poésie d'ordinateur, par effet d'accoutumance,
que de plume, avec ou sans cette volonté d'un Louis-René
des Forêts de se mesurer à « la misère
des mots», pour finir par donner le pas au cœur
sur l'esprit. Au-delà des canons du lire-écrire
propres à une époque, on peut se demander avecl'auteur
d'Oshnato si les conflits de sensibilité entre poètes
ne partent pas, en fait, de l'appréciation de ces régions-frontières
entre ce qui se pense et ce qui se sent, au détour
du cours de la langue.
La question pourrait être autrement formulée
: comment conserver de la singularité (étant
entendu que la quête poétique est toujours, quels
qu'en soient les modes, celle d'une parole singulière)
sans renoncer à l'autre ? Parce qu'on peut, effectivement,
s'enfermer dans une singularité qui supprime toute
alténté, ne demandant qu'à se laisser
porter par les mots, par la voix, ou les signes... L'écriture
certes, naît d'un défaut de coïncidence
avec le monde et avec l'autre, avec les autres et avec soi
II n'en reste pas moins qu'elle ne se bâtit pas (au
sens où l'entendait Jabès) sans le miroir d'un
lectorat. Une forme de littérature unique et terrible
serait celle qui aurait tout perdu (hors la faculté
d'écrire).
De la poésie au poème, le chemin peut parfois
être long : des bonheurs d'expression, à ce qui
nous met en présence d'une écriture. Lpin de
moi cependant toute idée de hiérarchiser les
genres, les formes, les goûts. Ni de lier cette «
absence de la poésie » dont périodiquement
se plaignent les poètes à certaine orientation
formelle, à la complexification, ou à la déstructuration
du vers. Même si chaque lecteur potentiel que nous sommes
a ses préférences et terrains d'élection.
Car désir d'appropriation et sentimentalisme identificatoire
sont ici des dangers pour le jugement.
Daniel Martinez
» Les dessins de Shirley Carcassonne illustrant
les revues Diérèse

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Diérèse 41
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Diérèse 42
page 87 |
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» Les dessins de Shirley Carcassonne illustrant
les poèmes
LES BOULES DU TEMPS
Les boules blanches ou noires du temps pour tout,
noires en attendant le silence des ombres,
blanches en quittant la grande eau du mélodrame,
les boules du temps pour tout et du temps pour rien,
comme ciel pleuré ou ciel sans palais, reviennent
à douze et à douze ne se dérobent
pas
aux arlequins du tourment dont la souvenance
est plus verte que bois vert du petit enfer.
Elles jouent la comédie du temps, sans savoir
que le temps joue et déjoue celle des doux yeux,
boules noires et boules blanches, devant tout
et devant rien, qui cassent et perdent autant
de secrets, triangles de terre jusqu'au jour.
Jeanpyer Poëls |
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ARRIÈRE-FOND
Tituber et ne heurter
rien, mais le retombement
se répand dans un pays
si tombereau que les garde-
fous semblent des bateaux-feux.
Passé l'aventure insecte,
insecte illustre ou lointain,
et le hideux d'un entre-
ligne de plaies, revenir
à la saison de fortune,
éviter le bord des larmes.
Crusoé qui en titube
à chaque rideau levé,
le jour des sains et des saufs,
à peine il se ralentit,
au risque de hasarder
la moquerie de ses os,
comme se ralentit l'ombre
de ces fantoches polis
que Daguerre aurait toisés.
Une marche au sang mineur
dans une image farouche,
quelques tremblements pour vivre,
et il prend le temps de rompre
des mondes de vieille craie,
craie bleue de vieille prison,
vers l'assoupi qui fait mine
de...
Jeanpyer Poëls |

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EN FROISSANT Le
silence froisserait un linge
de la destinée comme il respire,
jusqu'à lever la tristesse au sang
sur un bouclier depuis longtemps
sans une fleur, ourlé de carabes,
et se reprendrait pour un chemin
frappé d'un miroir interminable,
qui ne se demande pas sans doute.
Le silence, en froissant ici-bas,
entre ses ergots presque absolus,
la tapisserie des petits morts,
déplairait au feu et à la terre,
si terre et feu, oubliés du vide,
de faire encore le tour des choses,
enduraient l'invisible, poignant.
Jeanpyer Poëls |

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ADVERSITE Ignoré,
au-dedans du tronc même igné d'or,
il n'entrevoit pas comment sertir le chagrin
des oiseaux dans le clair et l'obscur d'une ville,
si les deux ailes de la vie, entre le noir
et le blanc, se fendillent au lieu d'écorcher,
d'écorner lendemain bougonne le mendiant,
bientôt pailleux, que pas un ne veut ébouer.
Jeanpyer Poëls |

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